samedi 2 avril 2011

La bataille d'Abidjan fait rage

La bataille d'Abidjan, tant redoutée, a bel et bien démarré en Côte d'Ivoire entre les partisans d'Ouattara et ceux de Gbagbo.

Violents combats à Abidjan.
Les combats très intenses entre les militaires fidèles au président sortant et les Forces républicaines d'Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale, ont débuté, jeudi soir, dans la métropole ivoirienne constituant l'ultime objectif des forces pro-Ouattara. Hier, alors que les tirs fusaient dans plusieurs quartiers de la ville, les hommes d'Ouattara ont pris le contrôle de la télévision d'Etat, symbole du régime. En fin d'après-midi, les tirs ont baissé en intensité. Mais difficile de dire si un des camps avait pris le dessus. Ou de dire si ces violences ont fait de nombreuses victimes. Une Suédoise, employée de l'Onu, est toutefois décédée, victime d'une balle perdue. L'Onu craint également de «graves violations des droits de l'Homme» commises par les forces pro-Ouattara, en particulier dans l'ouest du pays. 

Où est Laurent Gbagbo? 

Si ses partisans affirment qu'il ne lâchera pas le pouvoir, le président sortant est-il toujours en Côte d'Ivoire? Les rumeurs sur une éventuelle fuite allaient bon train, hier. Mais son porte-parole a affirmé qu'il se trouvait dans sa résidence d'Abidjan. «Le président Gbagbo se porte bien, il a le moral haut», a assuré de son côté Charles Blé Goudé, leader des «jeunes patriotes», fervents partisans du président sortant. 

La France appelle au départ de Gbagbo. 
Les appels à quitter le pouvoir lancés à Gbagbo se sont multipliés, de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) au secrétaire général de l'Onu, à la France et aux États-Unis. Nicolas Sarkozy s'est par ailleurs entretenu avec Alassane Ouattara au téléphone, hier soir. 


700 civils dans un camp militaire français.
Quelque 200personnes, dont plusieurs dizaines de Français, ont rejoint, hier, le camp militaire français de Port-Bouët où près de 500 personnes avaient déjà trouvé refuge, la veille, pour échapper aux violences à Abidjan. La France déconseille «formellement» les voyages en Côte d'Ivoire, où vivent 12.200 de ses ressortissants, dont 11.800 à Abidjan. 

Mort d'un Français. 
Un enseignant français a été assassiné dans la nuit de jeudi à vendredi à Yamoussoukro. La piste crapuleuse serait privilégiée. 

Renfort militaire français. 
L'effectif de la force française Licorne a été renforcé récemment d'environ 150 hommes. Ce qui porte son effectif global «à environ 1.050-1.100 soldats», a indiqué le ministère de la Défense. 

Psychose
Rafales d'armes automatiques et tirs d'armes lourdes ont provoqué la panique et le chaos dans la capitale économique et fief de Laurent Gbagbo.

«On entendait de fortes détonations qui s'arrêtaient pendant 30minutes avant de reprendre. Et ce matin, ça a repris. On est pris entre les tirs, on est terrifié ici». La gorge nouée, Sylvie, une habitante du quartier chic de Cocody, à Abidjan, ne cache pas son angoisse. Depuis jeudi soir, la bataille d'Abidjan fait rage entre les combattants d' Alassane Ouattara et les militaires de Laurent Gbagbo. Dans le secteur de la Riviera, dans Cocody, la situation n'est guère meilleure: «On a tous la migraine actuellement à cause des tirs. On a dormi sous les lits tellement ça tirait fort», témoigne Antoine. Mais entre voisins, la solidarité est de mise, raconte Carole: «Ceux qui habitent les maisons situées en bordure de la route viennent s'abriter chez des voisins ou des amis qui sont un peu plus à l'intérieur du quartier». «Des gens sont arrêtés devant leur porte. Ils bavardent un peu mais dès qu'il y a une détonation ils courent pour rentrer dans les maisons. On ne sait pas qui tire». 

Rues désertées 

Le quartier administratif du Plateau, où se trouve le palais présidentiel, est également le théâtre de combats. Les tirs à l'arme lourde succèdent aux rafales de kalachnikov. Un panache de fumée s'est élevé en début de matinée près du palais, des hommes armés couraient à proximité. Cette zone habituellement bourdonnante d'activités, qui abrite administrations et commerces, a des allures de ville morte. Les rues ont été désertées par la population et abandonnées aux combattants. Plus au sud, le quartier populaire de Treichville s'est ranimé au petit matin. «Il y a des gens dehors, quelques véhicules de transport en commun qui circulent. Le petit marché est ouvert», raconte Cissé. Mais en milieu de matinée des détonations ont été étendues du côté de la Garde républicaine, unité d'élite de Gbagbo. Très vite, les rues se sont à nouveau vidées.

AnalysePar Jean Guisnel La partie est bel et bien finie

Laurent Gbagbo est un politicien des plus coriaces, qui a fait preuve d'une capacité peu commune à se maintenir au pouvoir. Durant cinq ans, il avait pu empêcher de se tenir l'élection présidentielle qui devait désigner son successeur, et n'a pas accepté son résultat lorsqu'il a été contraire à ses voeux. Depuis novembre dernier, ce fin lettré féru de culture classique et helléniste distingué, n'a cessé de faire courir son pays à l'abîme. Le voilà aujourd'hui face à son destin, qui s'écrira sans doute, s'il survit à ces événements, devant la Justice internationale. Quel que soit le sort des armes qui parlaient toujours hier soir, le temps de Laurent Gbagbo est cette fois-ci bel et bien terminé. Il avait perdu depuis des mois le soutien de la Communauté internationale et celui des États africains. Sa mainmise sur les finances de la Côte d'Ivoire et sur ses ressources naturelles (cacao, coton, pétrole) a pris fin et c'est en perdant ses trésors de guerre qu'il n'a pu honorer, fin mars, le paiement de la police et de l'armée, ceux qu'on appelle dans ce pays les «corps habillés». Son rival ADO (Alassane Dramane Ouattara) a joué habilement. Sa reconquête militaire, sans aucun doute soutenue par des États africains et quelques autres, s'est déroulée sans difficulté, le régime Gbagbo s'effondrant comme un château de cartes. Reste à savoir ce que fera Ouattara. Le risque existe bel et bien qu'il se comporte à son tour en satrape. Mais une fois de plus, il n'y a aucun doute: c'est d'abord aux Ivoiriens qu'appartient l'avenir de leur pays.

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