samedi 20 août 2011

Somalie: L'aide alimentaire en guise de monnaie d'échange

Les images télévisées d'enfants somaliens souffrant de déshydratation ou en train de mourir ont fait le tour du monde, et les organisations d'aide humanitaires ainsi que les particuliers touchés par la situation critique ont décidé d'agir pour combattre ce phénomène.
De la nourriture a été distribuée dans certains endroits de la nation en souffrance. En l'espace de quelques mois, de nouveaux rapports ont signalé la vente dans des magasins et des marchés locaux de la nourriture provenant des dons.
On aurait pu en conclure que la nourriture n'atteignait pas sa destination d'origine. Autre raison : certaines personnes ont décidé en désespoir de cause de vendre la ration de nourriture qu'elles avaient reçue.
Fatuma Abdi peut à peine se lever. La vieille femme de 83 ans, habiant à Bulla Hawa dans la province somalienne de Gedo, est grabataire depuis plus d'un mois.Fatuma est diabétique et son état s'est compliqué avec le manque de nourriture. Regard hagard, on peut voir ses veines à la surface de ses bras amaigris.
Shebab
Elle est aussi le soutien familial de ses quatre petits-enfants ; des enfants dont les parents ont péri sous les balles lors d'échanges de feu qui ont eu lieu entre les forces du gouvernement fédéral de transition et les shebab, pour le contrôle de la ville frontière de Bulla Hawa.
Bulla Hawa est une petite ville située à la frontière entre la Somalie et le Kenya.
"Je gérais un petit magasin que mon fils avait laissé après sa mort et avec les gains dont j'en tirais j'ai pu nourrir mes petits-enfants pendant quelques mois. Mais faute d'autres revenus, l'affaire a périclité. A partir de ce moment, mon état de santé s'est dégradé. Mes petits-enfants ont entre 3 et 9 ans."
Sursis
Fatima a connu un petit sursis la semaine passée. De la nourriture provenant de l'aide humanitaire avait été acheminée dans la ville kényane voisine de Mandera, située à moins d'un kilomètre de sa maison.
A l'heure du soleil couchant, la vieille femme a rassemblé toutes ses forces pour se rendre à l'école primaire de Boys town, endroit de la distribution. Les dons de nourriture provenaient d'une ONG basée au Qatar.
"La frontière est si proche que je devrai prendre une autre route, celle utilisée par les contrebandiers pour aller à Mandera. J'espère qu'ils vont nous donner beaucoup de nourriture car j'ai l'intention d'en vendre un peu pour avoir un peu d'argent."
Fatuma a rejoint des centaines de personnes qui ont entendu la nouvelle. A la mi-journée, ce nombre gonfle pour atteindre 15.000 - tous affamés et en grand besoin d'aide alimentaire.
Après avoir poussé des coudes, Fatima a réussi à recevoir 50 kg de riz, des dates, 50 kg de farine blanche, 3 litres d'huile de cuisson et 3 packs de lait longue conservation. Quelques minutes plus tard, elle est en pleine négociation avec un homme d'affaires qui souhaite acheter de la nourriture à ces vendeurs "volontaires", à quelques pas de l'école.
"Je suis malade et ai besoin de traitement. J'ai vendu le riz et les dates à cet hommes d'affaires, je pourrai ainsi acheter des médicaments et du lait pour mes enfants", explique Fatuma.
Urgence
Selon Mohamud Ali, un homme d'une soixantaine d'années, la vente de nourriture n'a rien de nouveau. Il pense que les besoins de la population sont différents de l'aide reçue, mais cela ne devrait pas être utilisé comme une excuse pour diminuer l'aide.
"Seul Dieu peut résoudre nos problèmes mais je demande d'urgence de l'aide aux ONG et aux gouvernements. Ils devraient regarder en termes d'humanité et nous donner de quoi survivre" ajoute-t-il en pointant du doigt la nourriture mise en vente sur le marché de Mandera.
Contrôle
Les organisations d'aide affirment qu'il est pratiquement impossible de contrôler l'aide alimentaire.
La Somalie est en train de vivre la pire sécheresse depuis ces 60 dernières années. L'ONU avance les chiffres de 3,2 millions de personnes dans le besoin d'aide alimentaire. Et aujourd'hui, la population de ce pays dévasté reçoit de l'aide alimentaire, qu'elle se retrouve parfois obligée de revendre.

Kassim Mohamed à Mandera

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