samedi 16 juillet 2011

Côte d'Ivoire: Présence française, attention à l'effet Boomerang

Les français, Nicolas Sarkozy en tête, sont arrivés en force le 21 mai 2011 à Yamoussoukro, à l
Les français, Nicolas Sarkozy en tête, sont arrivés en force le 21 mai 2011 à Yamoussoukro, à l'investiture de Ouattara.
 
Le 16 juillet 2011 par IvoireBusiness - En septembre 2002 quand la Côte d’Ivoire est attaquée, avant même que l’on ne sache qui étaient les assaillants, la France, prétextant
d’évacuer ses ressortissants, s’était interposée et avait figé la ligne de front, qui deviendra plus tard la limite de la zone de confiance. 

Depuis cet instant beaucoup de questions se sont posées quant à l’implication de la France dans la crise ivoirienne. Les conclusions de la table-ronde de Linas Marcoussis, les évènements de novembre 2004 sont venus renforcer les suspicions d’ingérence française en Côte d’Ivoire. 

L’engagement ouvert au côté de Ouattara dans la crise postélectorale, les bombardements français sur les positions des FDS, le palais présidentiel et la résidence du Président Gbagbo, la RTI, des hôpitaux, la cathédrale St Paul, etc., et l’arrestation de Gbagbo et de ses proches par les forces spéciales françaises ont fini par convaincre les plus sceptiques de la position de la France de Sarkozy. 

Maintenant que le Président Gbagbo a été renversé, la voie semble dégagée pour une reconquête pure et simple de la Côte d’Ivoire.

Après la prime de guerre de 400 millions d’euros, sous la forme d’un prêt octroyé par la France à la Côte d’Ivoire, c’est le partage du gâteau.

Ces derniers temps les signes se multiplient. D’abord c’est un véritable ballet de responsables français en Côte d’Ivoire, ouvert par Sarkozy himself, présent à l’investiture de Ouattara le 23 mai 2011. 

Ensuite ce sont des gradés de l’armée française, suivis du ministre de la défense. 

Enfin, c’est au tour de François Fillon, le premier ministre français de faire le déplacement d’Abidjan. Le message est le même, reconquérir la Côte d’Ivoire. 

Nous ne savions pas que la France avait perdu la Côte d’Ivoire, au regard de tous les contrats que le régime de Laurent Gbagbo a renouvelés ou octroyés aux entreprises françaises. 

Comme le disent les opérateurs économiques français eux-mêmes, les relations d’affaires avec la Côte d’Ivoire sous Gbagbo étaient bonnes. 

Si aujourd’hui plus de 100 entrepreneurs accompagnent le premier ministre français, de nombreuses délégations d’entreprises françaises venaient régulièrement en Côte d’Ivoire sous Gbagbo, conduites toutes par le Medef et le CIAN. 

Ce qui semble changer aujourd’hui c’est la volonté de refaire de la Côte d’Ivoire un marché captif, une zone exclusive pour les entreprises françaises, libre de toute concurrence indésirable. On dresse déjà les secteurs à partager (énergie, aéroports, ponts, grande distribution, etc.) et les appétits des conviés au festin sont étalés sans vergogne, à la limite de la décence.

Le pouvoir ivoirien actuel, qui lui aussi multiplie les déclarations et les actes qui corroborent cette soumission totale à Paris, semble totalement d’accord avec ce projet. 

Il confie la sécurité du président Ouattara et la sécurisation d’Abidjan et du pays à la France. 

Les patrouilles des chars français sont très visibles et parcourent les quartiers d’Abidjan et l’ensemble du pays. Il a fait appel à des conseillers techniques français qui vont être essaimés dans tous les secteurs de l’Administration ivoirienne, alors que notre pays peut s’enorgueillir de disposer du stock de cadres le plus important et le plus varié de toute l’Afrique francophone. 

Le gouvernement vient de décider de dédommager principalement les entreprises françaises victimes des évènements de novembre 2004 et de la crise postélectorale à hauteur de 13 milliards de F.CFA, dont 6.5 milliards décaissés immédiatement. 

Cette somme faisant partie des points d’application de la moitié des 400 millions d’euros de prêts que la France a accordé à la Côte d’Ivoire depuis le mois de mai. 

Comme tout le monde le sait les évènements de novembre 2004 ont endommagé des centaines d’entreprises de toutes nationalités, sans oublier les victimes ivoiriennes : plus de 60 jeunes tués et 2078 blessés par l’armée française, non encore dédommagées. 

Les victimes de la crise postélectorale, à la fois des entreprises, des administrations et des particuliers, se chiffrent par centaines de milliers. Les dégâts vont des vols et viols aux tueries massives.

Dans le même temps, le pouvoir Ouattara a engagé une répression et un pillage sans précédent contre ses propres concitoyens pour qui il est sensé travailler. 

Le Président Gbagbo lui-même, son épouse, Simone Ehivet Gbagbo, son fils, Michel Gbagbo, le président et le 1er vice-président du FPI, l’ex-premier ministre Aké Ngbo, des anciens ministres, des cadres civils et militaires sont emprisonnés dans l’illégalité totale et torturés à longueur de journée. 

Les cadres LMP, les plus nombreux du contingent, sont contraints à l’exil pour échapper à la mort ambiante. 

Les FRCI, forces pro-Ouattara se sont livrées aux pires exactions et tueries pendants leur offensive sur Abidjan, notamment à Duékoué et à Yopougon : élimination systématique de civils du fait de leurs ethnies et opinions politiques. 

Malgré les dénonciations par Amnesty international, Human rights watch et les Nations Unies, ces exactions se poursuivent encore aujourd’hui, trois mois après l’arrestation du Président Gbagbo et l’installation au pouvoir de Ouattara. 

La France, la terre des droits de l’homme, est restée silencieuse jusqu’à ce jour sur toutes les violations des droits de l’homme et tous les crimes commis par les FRCI en Côte d’Ivoire, elle qui était si prompte à réagir quand Laurent Gbagbo était au pouvoir. 

Ceci serait- il dû au fait que ce sont des officiers français qui encadrent les FRCI ? Ou bien ce sont les bonnes affaires engrangées en Côte d’Ivoire qui rendent la France si oublieuse des droits de l’homme.

Qi sème le vent récolte la tempête. En tout état de cause, l’omniprésence de la France dans les affaires de la Côte d’Ivoire pourrait causer un effet boomerang insoupçonné. 

En effet, si la France est au début et à la fin de tout en Côte d’Ivoire, si elle est en première ligne sur autant de terrains sensibles, à la fois économiques et militaires, il lui sera difficile de convaincre les ivoiriens qu’elle n’est pas la cause de leurs malheurs. 

Et en ce moment là, un vrai sentiment anti-français pourrait se développer. Il faut le dire maintenant, car en l’espèce, mieux vaut prévenir que guérir. 

Le retour du bâton pourrait s’avérer dommageable à tous égards. 

Fabrice Konan, expert analyste-économie politique

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