jeudi 18 août 2011

Cote-d’Ivoire: La Réconciliation Sans Laurent Gbagbo est une Utopie Négative


L’utopie, cette représentation d’une réalité parfaite et sans défaut d’un régime politique idéal a, aujourd’hui, une connotation négative dans le sens où ses adeptes sont souvent représentés comme des personnes naïves qui perdent leur temps à rêver et à croire en la réalisation de choses impossibles.  Seulement voilà, il se trouve que certaine utopies se réalisent. Et c’est justement grâce à ces idéalistes et à leurs visions que ces choses positives se matérialisent. Sans eux, le monde ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.  Qui aurait crût qu’un jour l’homme volerait et irait même sur la lune ? Ou que les femmes auraient le droit de vote tout comme les hommes ? Ou, encore, qu’un noir serait à la tête de la nation la plus puissante du monde ? En somme, les utopies ne sont pas forcement à condamner et peuvent se réaliser. Mais il existe aussi des utopies négatives, ces représentations non du meilleur des mondes, mais du pire.
L’idée d’une réconciliation nationale en Cote d’Ivoire, qui ne prendrait pas en compte le Président Gbagbo et ses supporteurs, est une utopie négative. C’est une notion dangereuse qu’il faut éviter.
Apres avoir insisté qu’il travaillerait à la réconciliation en Cote d’Ivoire, voilà que le régime Ouattara semble prendre la direction contraire, en dépit des risques qu’une telle approche comporte pour le pays et pour la sous-région.  A peine le conflit déclaré « terminé » par la communauté internationale, et le regard du monde tourné vers d’autres crises, voilà que le régime en place commence une politique qui ne saurait être porteuse d’une véritable réconciliation .En effet, s’il en est qui insistent que le pays est sur la voie de la réconciliation, une analyse objective des faits ne peut que laisser perplexe.
Chasse aux sorcières contre proches et supporters du Président Gbagbo 
Apres des années de guerre et d’insécurité, les Ivoiriens ont besoin de justice mais aussi de pardon afin de pouvoir rétablir ordre et sécurité afin de redémarrer sur de bonnes bases.  Il ne faudrait pas oublier que ce qui a été décrit comme une « crise postélectorale » par la presse et la communauté internationale est en fait un conflit très complexe qui a commencé il y a près d’une décennie et qui a couté des milliers de vies.  Doit-on croire qu’avec la fin déclarée de ladite crise, tout va rentrer dans l’ordre automatiquement, comme par magie ? Il faudrait être bien naïf pour le croire. Non, les blessures profondes causées par le conflit commencé en 2002 doivent être pansées avec soin. Un travail de fond, incluant toutes tendances confondues, doit être fait afin d’obtenir justice, mais aussi, et surtout, afin que les Ivoiriens et les ressortissants de la sous-région (qui ont aussi souffert de ce conflit) puissent se pardonner les uns les autres.  Mais comment croire que telle est la voie empruntée par le régime à l’heure même où une chasse aux sorcières orchestrée contre les personnes qui ont soutenu le Président Gbagbo, les membres du FPI et de l’ancien gouvernement bat son plein? Arrestations et inculpations se font à la pelle.  Militaires, membres du FPI, anciens collaborateurs, tout le monde semble y passer.  Et on parle même d’exactions … Une telle politique de rétribution ouverte ne semble guère propice à la réconciliation.
Refus d’accorder l’amnistie qui est cruciale au processus de réconciliation
Et que dire du refus du régime en place d’accorder l’amnistie au Président Gbagbo et à ses proches quand on sait que l’amnistie est maintenant une composante essentielle du processus de réconciliation à la suite de conflits violents ? En effet, le principe de l’amnistie, qui signifie « oubli » en grec, a été inventé pour éviter que les rancœurs ne persistent et ne finissent par menacer la paix et la sécurité après la fin des conflits. Mesure sociale adoptée par la société pour apaiser les parties à la fin d’un conflit, l’amnistie a évolué avec le temps pour devenir une notion de droit, un acte législatif qui met fin aux poursuites et supprime les condamnations.  Elle est centrale au processus de réconciliation car les chefs d’états et autres personnalités politiques, même emprisonnés, ont des supporters au niveau national et ailleurs, des influences … Il faut donc, par conséquent, éviter de les humilier.  Nombre de pays, tels que la Sierra Leone, le Tchad et le Liberia, ont réussi leur processus de réconciliation nationale à la suite de conflits terribles en partie parce qu’ils y ont eu recours.  Mais le régime Ouattara s’y refuse et aujourd’hui la Cote d’Ivoire est dans l’impasse.
Détention arbitraire du Président Gbagbo et de ses proches
L’une des décisions, si ce n’est la décision, la plus incompréhensible du régime en place, c’est l’arrestation et la détention arbitraire du Président Gbagbo et de ses proches.  Depuis son arrestation il y a quatre mois, le Président Gbagbo est détenu au secret, sans mandat et sans inculpation.  Il n’est officiellement accusé de rien et aucune procédure à son encontre n’a été ouverte. Un tel acharnement contre sa personne ne saurait engendrer la réconciliation dont le pays à tant besoin. D’ailleurs, cette situation est de plus en plus décriée par les organisations de droits de l’homme qui questionnent la politique revancharde du régime Ouattara. Et pendant ce temps, d’alarmantes rumeurs circulent sur les conditions de sa détention. Mensonges ou vérités ? Nul ne saurait le dire. Mais, privé d’informations officielles, le public pourrait bien se laisser aller à imaginer le pire, ce qui ne ferait qu’augmenter la tension.
Vers un gouvernement sectaire et d’exclusion?
Le régime Gbagbo a été taxé de sectaire et xénophobe et pourtant le régime Ouattara n’est pas un exemple d’inclusion. Loin s’en faut. En effet, le gouvernement actuel est composé essentiellement de cadres originaires du nord du pays. Comment croire qu’une approche aussi divisée de la gouvernance puisse aider le pays à sortir du marasme dans lequel il se trouve ? C’est une erreur que de vouloir reconstruire sans inclure le Président Gbagbo ainsi que tous ceux qui ont voté pour lui et continuent de le soutenir car ils représentent, pour ainsi dire, l’autre moitié du pays. Pourquoi ne pas les inclure  plutôt qu’oeuvrer avec des forces extérieures ? Certes, la tache n’est pas aisée mais le jeu en vaut la chandelle. Quoiqu’il en soit, c’est de cette façon, et uniquement de cette façon, que le régime pourra rebâtir une Côte d’Ivoire souveraine, unie et puissante. Si l’on ne travaille pas de façon inclusive, si l’on ne s’élève pas au dessus des différences partisanes et tribales, la réconciliation ne sera jamais rien de plus qu’une utopie négative.
Risques d’escalade des tensions dangereux pour le pays et la sous-région
En vérité, au lieu d’une réconciliation nationale, ce qui est à craindre c’est une profonde et corrosive fissure de la société Ivoirienne aux répercussions dramatiques. Aujourd’hui, nombre d’Ivoiriens arborent toujours un sentiment d’injustice et de rancœur tenace quant à « l’apparente » conclusion du conflit postélectorale.  En effet, ceux qui soutenaient le Président Gbagbo – ils étaient, et sont toujours, plus que nombreux – n’ont pas cessé de le soutenir du jour au lendemain.  Et leur ressentiment déjà décuplé, n’est qu’exacerbé par les actions du régime en place. Dans ces conditions, on peut légitimement se demander si c’est vraiment la meilleure des stratégies que de continuer à attiser tant de ressentiment? Le gouvernement Ivoirien a décidé d’emprunter une voix dangereuse où les risques de dérapages sont grands pour la Cote d’Ivoire, mais aussi pour toute la sous-région. En effet, nul besoin de rappeler que la population Ivoirienne compte un grand nombre d’immigrés originaires des environs. La réconciliation est centrale pour leur sécurité, de même que pour celle des autochtones. Des bruits persistants et des rumeurs solides font état courent que bon nombre d’officiers et militaires restés fidèles au Président Gbagbo et qui se seraient refugiés au Ghana, au Liberia ou ailleurs pour s’organiser attendent le bon moment pour agir. Si tel était le cas, cette masse armée et désenchantée constituerait une bombe à retardement qui pourrait exploser d’un moment à l’autre si une réelle réconciliation n’était pas mise en œuvre.
Peut-on encore sauver ce processus de réconciliation ?
Le vrai courage aurait constitué à réunir tout le monde, toutes tendances confondues, afin de trouver une solution pacifique et de mettre la Cote d’Ivoire sur la voie de la guérison. Aussi difficile que cela puisse être, c’est ce dont le pays a besoin. Et si le régime Ouattara avait osé tendre la main à l’adversaire, de par ses mots mais aussi de part ses actions, cela aurait grandement aidé à la réconciliation, et il en serait ressorti grandi. En effet, l’art de la politique, mais surtout l’intérêt de la nation, qui doit toujours primer, voudraient qu’en cette période cruciale pour la Cote d’Ivoire, et la sous-région, le gouvernent ait effectivement mis en pratique ses promesses de réconciliation et d’amnistie. Cela dit, tout espoir n’est pas perdu car il est à noter que le facilitateur, Blaise Compaoré, est toujours en exercice et sa fonction est d’aider à trouver la conciliation.  Il en va de la sécurité de la sous-région mais aussi de son honneur.
Fanta. San Finna.

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