jeudi 17 mars 2011

À Abidjan, les vigies de l'ONU enquêtent sur les tueries

Ils menacent de faire comparaître devant des tribunaux internationaux les auteurs de violations des droits de l'homme. 

À l'autre bout du fil, une voix nouée supplie. «Je vous appelle de Williamsville, où nous sommes attaqués par les Patriotes. Ils ont égorgé un vieux et tiré sur le petit Youssouf, qui a maintenant les deux jambes fracturées. On vous attend. Venez vite!» L'opérateur raccroche pour transmettre l'information à ses supérieurs mais voici que la sonnerie, de nouveau, retentit. «Je suis à Port-Bouët 2. Depuis hier soir, les pro-Gbagbo brûlent nos maisons. Il faut venir sécuriser l'endroit…» Un autre, encore: « Ça tire dans ma zone, envoyez votre hélicoptère.» Dépassé, le jeune homme prend une profonde respiration puis, sur un ton guère rassurant, glisse: «Cher Monsieur, mettez-vous à l'abri, évitez les déplacements inutiles et nous allons voir ce que nous pouvons faire…» 

Depuis l'élection contestée d'Alassane Ouattara, le 2 décembre dernier, cinq agents des Nations unies jouent ainsi les vigies, de jour comme de nuit, au cœur de la tempête ivoirienne. Postés sur la colline du Sebroko, qui domine la lagune d'Abidjan, ils enregistrent, téléphone vissé à l'oreille, les «violations des droits de l'homme» que leur signale la population. En cas d'urgence, ils alertent la branche militaire de l'Onuci qui, dans la limite de ses maigres moyens, s'efforce de dépêcher une patrouille. Surtout, ils sont chargés de collecter un maximum de renseignements sur les violences, déplacements de population et autres crimes commis dans le cadre de la crise postélectorale.

«Depuis trois mois, nous conduisons des investigations sur chaque cas d'exaction qui nous est rapporté», explique Omer Kalameu, chef d'équipe au sein de la division des droits de l'homme de l'Onuci. Malgré la violente propagande orchestrée à son encontre par le camp Gbagbo et les agressions répétées dont elle est la cible, l'Onuci s'efforce de se rendre sur le terrain aussi souvent que possible pour collecter des indices et interroger des témoins.


L'Onuci hausse le ton 

Mercredi matin, c'est sur un jet de grenade perpétré la veille dans le quartier d'Attécoubé que les officiers des droits de l'homme commençaient à enquêter. « Ça s'est passé vers 21 heures à deux pas de la mosquée Boribana, alors qu'une soixantaine de personnes étaient en train de discuter, raconte Awa Ti, une commerçante témoin des faits. J'étais assise sur des marches lorsqu'un 4 × 4 noir aux vitres fumées a fait demi-tour devant nous. Un passager a lancé une grenade puis la voiture a pris la fuite.» Selon l'Onuci, l'attaque a fait un mort et 18 blessés.

Cherchant sans doute à démotiver les soldats et miliciens de Laurent Gbagbo, qui seraient impliqués dans la majorité des 392 décès recensés à ce jour, le patron de l'Onuci, Choi Young-jin, a récemment haussé le ton, menaçant : « Ne vous imaginez pas que pouvez commettre des violations des droits humains en toute impunité car nous sommes en train de documenter les preuves de vos délits, et le moment du jugement approche à grands pas. » Hier, l'ONG Human Rights Watch a publié un rapport accusant le président sortant et certains de ses alliés d'être impliqués dans des crimes contre l'humanité. Ces dernières semaines, de nombreux ressortissants du nord de la Côte d'Ivoire ainsi que d'autres pays ouest-africains ont été tués ou poussés à la fuite par des militants pro-Gbagbo. Dans le même temps, les combattants du «commando invisible» ont conduit des exécutions sommaires visant des membres des FDS ainsi que des civils soupçonnés de soutenir le président sortant. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...